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Marques et greenwashing - Distinguer les vertes des moins mûres

juin 21, 2024
Catégorie : Actualité

Marques et greenwashing - Distinguer les vertes des moins mûres - Si votre entreprise a décidé de se mettre au vert et d’utiliser des termes tels que “green”, “durable”, “recyclable”, “zero impact”, “bio” ou encore “naturel” dans votre marque ou d’utiliser un logo qui se réfère à ces concepts, nous vous expliquons dans le présent article les risques auxquels vous devez être attentifs lors de l’enregistrement de votre marque, ainsi que lors de l’utilisation de celle-ci.

Si votre entreprise a décidé de se mettre au vert et d’utiliser des termes tels que “green”, “durable”, “recyclable”, “zero impact”, “bio” ou encore “naturel” dans votre marque ou d’utiliser un logo qui se réfère à ces concepts, nous vous expliquons dans le présent article les risques auxquels vous devez être attentifs lors de l’enregistrement de votre marque, ainsi que lors de l’utilisation de celle-ci.

Greenwash-quoi?

Qu’elle soit la cause d’une véritable écoanxiété pour certains ou qu’elle présente un intérêt limité pour d’autres, l’écologie s’installe progressivement dans les habitudes de consommation des citoyens. La conséquence de ces nouvelles habitudes est évidente: les produits et services soucieux du respect de l’environnement sont désormais plus attractifs pour les consommateurs et ce, même si leurs coûts sont souvent plus élevés.

Il n’a pas fallu longtemps aux entreprises pour s’adapter et orienter les produits et services offerts, ainsi que les stratégies marketing y afférent vers des solutions “plus vertes”. Si l’on peut se réjouir de cette évolution, il n’en reste pas moins que cet attrait soudain pour l’écologie n’est parfois pas suivi des actions correspondantes. Il est, en effet, très tentant pour certaines sociétés de surfer sur cette vague d’entreprise “plus verte”, sans pour autant changer leur business model en conséquence. Cette pratique, vous la connaissez bien, il s’agit du “greenwashing” (ou de l’ “écoblanchiment”).

Pas de feu vert pour l’enregistrement des marques trompeuses

Lorsque vous déposez une demande d’enregistrement dans l’UE ou dans le Benelux, les offices afférents (l’EUIPO ou l’OBPI) procèdent à un examen de celle-ci avant de procéder à son enregistrement. Si votre demande présente un motif de refus dit “absolu”, l’office en question rejettera votre demande de marque.

Aucun motif absolu ne traite explicitement la question du greenwashing. L’EUIPO et l’OBPI peuvent cependant refuser votre demande si vous tentez d’enregistrer une marque qui est “de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service”.

Votre marque pourra en effet être qualifiée de “trompeuse” si elle contient une allégation environnementale incorrecte au regard des produits et des services pour lesquels elle est demandée à l’enregistrement et que cette allégation présente un risque sérieux de tromper les consommateurs. Pour ce faire, il y lieu de prendre en considération les attentes présumées du consommateur moyen.

A titre d’exemples, l’EUIPO a refusé les marques suivantes à l’enregistrement en considérant qu’elles étaient “trompeuses”:

  • - La marque figurative “” a été refusée à l’enregistrement par l’EUIPO pour des sacs et articles d’emballages en plastique, ainsi que des tasses en plastique. L’EUIPO a en effet considéré que le message renvoyé par cette marque et susceptible de tromper les consommateurs puisqu’il existe un risque sérieux qu’ils pensent que les articles sont fabriqués en papier recyclé (“paper 2 paper”) alors qu’ils sont en réalité en plastique.

 

  • - La marque “BioCoffee” était demandée à l’enregistrement pour des machines à café électriques. L’EUIPO a considéré qu’elle était trompeuse en ce qu’elle renvoyait l’information que les machines à café vont permettre aux consommateurs de préparer des cafés “bio”, alors que ces machines n’ont en réalité pas ces caractéristiques.

 

  • - La marque verbale “NETZERO COBALT” était demandée à l’enregistrement pour des métaux tels que le cobalt. Selon l’EUIPO, le public pertinent était susceptible de comprendre que le titulaire de la marque produisait du cobalt d’une manière qui lui permettait de d’obtenir un équilibre entre les émissions de carbone produites et celles qui sont retirées de l’atmosphère. En effet, même si l’expression “NET-ZERO” ne se trouvait pas dans le dictionnaire, il ressortait de plusieurs articles de presse et autres documents que sa signification serait comprise comme telle par le public pertinent.

 

  • - La marque figurative “ ” était demandée à l’enregistrement pour divers produits, tels que des couverts et de la vaisselle biodégradables, des rasoirs, des clés USB et des brosses à dent. Pour tous les produits qui n’étaient pas explicitement indiqués comme étant biodégradables, l’EUIPO a considéré que la marque ne pouvait être enregistrée en ce qu’elle était trompeuse. Selon l’EUIPO, ces produits pouvaient être constitués exclusivement de plastique et il est de notoriété publique que les particules de plastique finissent souvent dans l’eau qui s’écoule dans les océans. Il existe donc un risque sérieux que les consommateurs perçoivent la marque comme une déclaration promotionnelle les informant des caractéristiques écologiques des produits alors que ce n’est pas le cas .

Enfin, veuillez également noter que, même si vous parvenez à enregistrer votre marque, vous pouvez toujours être déchu de vos droits si, à la suite de l'usage que vous en avez fait pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, la marque est propre à induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits ou de ces services.

A-vert-issement en cas d’allégation environnementale

Vous pensez contourner les risques identifiés ci-dessus en n’enregistrant pas votre marque? Sachez que des règles similaires existent même si vous utilisez, dans le cadre de la vente de vos produits ou de la fourniture de vos services, une marque sans l’enregistrer et que celle-ci contient des allégations environnementales.

En Belgique, le Code de droit économique ne prévoit aucune règle spécifique relative aux allégations environnementales, mais il fournit un fondement juridique pour garantir que les entreprises ne présentent pas celles-ci d’une manière déloyale vis-à-vis des consommateurs. Selon le guide pratique fourni par le SPF Economie,  ces dispositions s’appliquent à l’égard de “tous types de déclarations, informations, symboles, logos, illustrations et noms de marques, et leur interaction avec des couleurs, sur les emballages, étiquetages, publicités, dans tous les médias”.

Il est donc également interdit d’utiliser un logo ou une marque verbale qui contient des allégations environnementales étant susceptibles de tromper le consommateur. L’autorité en charge de vérifier la véracité de ces allégations est la direction générale Inspection economique du SPF Economie. Pour ce faire, elle est en droit de vous demander de fournir des preuves à l’appui des allégations environnementales que vous présentez. A défaut pour vous de pouvoir fournir lesdites preuves, l’Inspection économique sera en droit de vous demander de cesser l’utilisation et/ou de vous infliger une amende.

A noter également que toute personne intéressée est également en droit de s’opposer à l’utilisation d’allégations environnementales incorrectes faites par une entreprise en initiant une procédure judiciaire devant les juridictions compétentes. A titre d’exemple, le tribunal d’Amsterdam a récemment condamnée la compagnie aérienne néerlandaise KLM pour publicité trompeuse. Sa campagne « Fly responsibly » laissait entendre, de façon façon trompeuse, que ses produits réduisaient ou compensaient l’impact sur le climat de ses vols.

“Vert” un renforcement des règles au niveau européen

Le contrôle des allégations environnementales n’est pas exclusif à la Belgique puisque tous les états membres de l’Union européenne ont dû l’implémenter en vertu de la Directive relative aux pratiques commerciales déloyales, ainsi que la Directive relative aux droits des consommateurs.

Le législateur européen cherche d’ailleurs à renforcer ces contrôles par le biais de sa proposition de Directive sur les allégations écologiques. Cette future directive a, entre autres, pour but renforcer les exigences en matière d'allégations environnementales en imposant des critères minimaux de justification et en exigeant une vérification indépendante des systèmes d'étiquetage environnemental.

Le Conseil de l’Union européenne a publié sa position le 17 juin dernier et est désormais prêt à négocier avec le Parlement européen. On peut donc espérer que cette directive voit le jour très prochainement.

 

L’avis de l’auteur

Ces dernières années, le nombre de marques “vertes” et d’allégations environnementales utilisées par le entreprises européennes est en croissance constante. Si l’on peut se réjouir de cet engouement, il n’en reste pas moins que, selon une étude de la Commission européenne, 40% des allégations environnementales ne sont pas étayées par des preuves suffisantes. Les pratiques de l’EUIPO, ainsi que la proposition de nouvelle Directive sur les allégations écologiques sont dès lors les bienvenues afin de permettre aux consommateurs européens d’opter pour des marques qui sont véritablement soucieuse de la préservation de l’environnement.

Par Manon Verbeeren Senior Trademarks | Designs Attorney IP Hills | Ipsilon Group

Sources :

EUIPO, Division d’examen, 10 octobre 2022, n° 018531080, Paper2Paper Recyclable, UAB Miko ir Tado leidyklos spaustuvė / EUIPO.

EUIPO, Division d’examen, 22 juillet 2022, n° 1636640, BioCoffee, Arecelik Anonim Sirketi / EUIPO.

EUIPO, Chambre de recours (2ème), 28 mars 2022, R 2067/2021-2, NETZERO COBALT, Canada Nickel Company Inc. / EUIPO.

EUIPO, Chambre de recours (5ème),11 novembre 2019, R 1799/2019-5, Save the ocean, JSS Trade House OÜ / EUIPO.

SPF Economie, Guidelines - Allégations environnementales, disponibles sur www.economie.fgov.be.

Le Monde, “KLM perd un procès pour greenwashing aux Pays-Bas”, publié le 21 mars 2024 et disponible sur www.lemonde.fr.

Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, J.O.U.E., 11 juin 2005, L 149/22.

Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, J.O.U.E., 22 novembre 2011, L 304/64.

Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites, 2023/0085.

Communiqué de presse du 17 juin 2024 du Conseil  de l’Union européenne,“Green claims directive: Council ready to start talks with the European Parliament”, disponible sur www.consilium.europa.eu.